Améliorer la communication entre arbitres et clubs, selon Philippe Malige
- Simon Arnaudet
- 7 oct.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 6 jours
Au début des années 2000, adolescent, je suivais avec passion le championnat de football français. Parmi les visages qui m’avaient marqué, deux arbitres sortaient du lot : Laurent Duhamel et Philippe Malige. Aujourd’hui, j’ai la chance de m’entretenir avec ce dernier. Philippe Malige, 58 ans, est originaire et résident de Nîmes. Père de deux enfants, il travaille comme agent de la fonction publique territoriale, responsable de la communication et du secrétariat du maire d’une commune de 5 000 habitants. Mais avant tout cela, il a été arbitre de football pendant 30 ans, dont 3 saisons en Ligue 2 et 8 saisons en Ligue 1, entre 2004 et 2012. Il a ensuite été observateur en L1 pendant 4 saisons, notant et évaluant les arbitres, avant de quitter le monde de l’arbitrage en raison de désaccords avec la politique de la Direction de l’Arbitrage de l’époque — et il tient à le préciser, pas l’actuelle ! Dans cet entretien, nous allons explorer l’évolution de l’arbitrage depuis les années 2000, le souhait croissant des dirigeants d’améliorer la communication entre arbitres et clubs, et, pour ceux qui restent parfois circonspects devant certains coups de sifflet, nous découvrirons une bonne fois pour toutes pourquoi une main peut entraîner un penalty.

Quel est ton meilleur souvenir en tant qu'arbitre de Ligue 1 ?
Il est toujours difficile d’en choisir un, tant j’ai eu la chance de réaliser mon rêve d’évoluer au plus haut niveau. Je pourrais citer les nombreuses rencontres avec les joueurs et dirigeants, ou encore les matchs européens où j’ai été quatrième arbitre, sans oublier les finales de la Coupe de la Ligue 2006 et de la Coupe de France 2009. Mais si je devais retenir un souvenir précis, ce serait le match Olympique de Marseille – AJ Auxerre, en décembre 2009. Durant la première mi-temps, j’expulse Bakari Koné, persuadé qu’il avait donné un coup de coude au visage de l’auxerrois Valter Birsa. Devant les protestations de ses coéquipiers, j’ai eu l’idée de demander directement à Valter Birsa si le coup était volontaire. Sa réponse, très honnête, m’a bluffé : le choc était totalement fortuit. J’ai alors annulé le carton rouge, saluant ce geste de fair-play exceptionnel !
« Améliorer la communication entre arbitres et clubs est essentiel pour que le football reste juste et respectueux, mais cela demande l’implication de tous, pas seulement des arbitres. »
Quelle vision as-tu de l'évolution de l'arbitrage depuis les années 2000, et quels en sont les principaux tournants selon toi ?
Le premier tournant, c’est le passage au professionnalisme, dont j’ai vécu les débuts. Jusqu’à la Loi Lamour de 2006, les arbitres étaient des « amateurs rémunérés ». Cette loi a, d’une part, reconnu l’arbitre comme une personne délégataire d’une mission de service public, et d’autre part, octroyé un statut professionnel (travailleur indépendant) aux arbitres des sports majeurs, dont le football. Cela s’est traduit à la fois par une revalorisation des rémunérations et par une plus grande disponibilité des arbitres (présence aux stages, arrivée la veille dans la ville du match, départ le lendemain, formations, etc.). Avec le temps, ce statut a évolué, et les arbitres de premier plan signent désormais des contrats à temps avec la FFF. Le deuxième tournant est plus technique, avec l’arrivée tant demandée — et maintenant tant critiquée — de la VAR ! Il n’est pas inutile de rappeler que cet outil a été créé quasiment sous la pression des clubs et de certains diffuseurs, avec pour objectif de supprimer totalement les erreurs d’arbitrage. Bien que de nombreuses erreurs soient corrigées, comme toute activité humaine (il y a des êtres humains derrière les écrans !), certaines autres persistent, sans parler de la part importante laissée à l’interprétation, qui peut conduire à des décisions différentes sur des cas similaires. Tout cela se fait parfois au détriment de la spontanéité et des émotions que procure le football, puisqu’il faut parfois attendre la validation d’un but pour le célébrer, ou voir un but refusé pour un hors-jeu… d’un orteil !

Les dirigeants sportifs réclament sans cesse plus d'échanges et une meilleure communication entre arbitres et clubs. Comprends-tu cette demande ?Â
Ils ont raison, et je comprends parfaitement cette demande ! C’était d’ailleurs l’un de mes désaccords avec l’ancienne direction de l’arbitrage, qui interdisait aux arbitres de s’exprimer. Depuis l’arrivée d’Antony Gautier, l’arbitrage s’est ouvert sur l’extérieur : les arbitres peuvent désormais s’exprimer devant les caméras à l’issue d’une rencontre, et la Direction de l’Arbitrage publie chaque lundi un debriefing des actions marquantes du week-end, n’hésitant pas à reconnaître les erreurs lorsqu’il y en a. Pour améliorer véritablement la communication entre arbitres et clubs, il faut persévérer dans cette ouverture. Mais il ne faut pas se leurrer : les réactions de certains entraîneurs, dirigeants ou présidents peuvent être virulentes, voire verbalement agressives. Si cette démarche doit porter ses fruits, toutes les composantes du football doivent y mettre du sien, pas seulement les arbitres.
Selon toi, qui est actuellement le meilleur arbitre français et pourquoi ?
J’en citerai trois : Clément Turpin, que j’ai eu la chance d’accompagner sur son premier match international et qui a notamment arbitré une finale de Ligue Europa et une finale de Ligue des Champions ; François Letexier, arbitre de la finale du dernier Euro ; et Benoît Bastien, qui évolue lui aussi régulièrement en Ligue des Champions.

Et une fois pour toutes, peux-tu nous expliquer pourquoi une main dans la surface peut entraîner un penalty, bon sang de bonsoir !
C’est pourtant simple… sur le papier ! Mais sur le terrain, c’est beaucoup moins évident. Il faut que le geste soit délibéré ou que le joueur ait « artificiellement augmenté la surface couverte par son corps ». C’est donc à l’arbitre d’apprécier le caractère volontaire du geste, ce qui peut entraîner des différences d’interprétation et des contestations. J’ai l’impression qu’en essayant de théoriser la notion de main volontaire, on a fini par créer des sources d’incompréhension et de confusion. Pour ceux qui veulent aller plus loin, je recommande vivement de consulter les Lois du jeu édictées par l’IFAB (International Football Association Board), en particulier la Loi 12 qui traite des « Fautes et incorrections » (et ils peuvent aussi jeter un œil aux 16 autres Lois pour se rendre compte de la complexité du métier d’arbitre).
Après cet échange avec Philippe Malige, on se rend compte que l’arbitrage n’est pas qu’une question de sifflets et de cartons : c’est aussi un art subtil de jugement, d’écoute et de communication. Entre les gestes parfois incompris sur le terrain et les décisions contestées, il est clair que la communication entre arbitres et clubs reste essentielle pour que le football garde son fair-play et son spectacle. Et si on n’a pas encore tout compris sur les mains dans la surface, au moins on sait maintenant que derrière chaque penalty, il y a une réflexion, un regard et parfois un soupçon de stress… mais surtout beaucoup d’humanité !